Historique

par le Père Yves Jausions

I. LE PERE HENRI CAFFAREL ET LE MOUVEMENT DES FOYERS

Le Père Henri CAFFAREL, né à LYON le 30/07/1903, nous a laissé le souvenir d’un pionnier. Il a innové surtout comme prophète du mariage chrétien, et ensuite en ouvrant aux laïcs le trésor de l’oraison. Nous découvrons un homme rempli d’initiatives. Il a fait beaucoup d’essais. Pour lu, il n’y avait pas de formule définitive. Il inventait des solutions nouvelles, mais, en cas d’échec, il était prêt à arrêter et à chercher une autre voie. Et si cela réussissait, il exigeait pour lui-même et pour les autres rigueur et discipline. Son esprit apostolique le portait à annoncer la Bonne Nouvelle à tous ceux qui attendent. Il lui arrivait de comparer les paroisses classiques à des « garderies de bien pensants »… « Vous êtes riches de votre culture et de votre foi… Ne soyez pas un « club de justes »… On croirait entendre le pape François nous invitant à rejoindre les « périphéries »…

A 20 ans, il rencontre le Christ et prend conscience de son intimité. « En un instant Jésus est devenu quelqu’un pour moi. J’ai su que j’étais aimé et que j’aimais ». Dans le même instant une initiative foudroyante du Christ lui donne le désir d’amener les autres à vivre la même expérience. Il est hanté par la mission tout en gardant la nostalgie de la vie monastique. Apostolat et prière seront les deux pôles de sa vie. Cela se traduira par l’approfondissement du sacrement de mariage et par l’enseignement de l’oraison. Et son génie consistera à faire se rapprocher ces deux points d’effort chez les laïcs mariés.

Il découvre et fait découvrir aux autres que le mariage est une véritable vocation. Les époux forment une société unique. Ils doivent essayer de joindre réalisme et théorie, surnaturel et vie concrète. L’amour humain doit être regardé non pas seulement comme une réalité sociale, psychique et morale, mais comme une entreprise métaphysique et mystique. Le mariage est un sacrement qui fait de l’amour humain une chose sacrée. Bien sûr on doit partir de la vie quotidienne, mais à l’intérieur de cette réalité il faut chercher la pensée du Christ : « Ne séparez pas ce que Dieu a uni ». L’amour humain et l’amour du Christ sont des réalités absolues qui, loin de s’opposer, se rejoignent dans l’unité.

C’est l’approfondissement de cette pensée de Dieu sur le mariage qu’Henri CAFFAREL va faire partager pendant plusieurs décennies. Il commence petitement en 1939 avec quatre foyers. Puis, très vite, le groupe s’étoffe. En 1942 il écrit une « Lettre des Jeunes Foyers » qui s’adresse déjà à 100 ménages. Sur le terrain il multiplie les récollections. En 1945, il crée l’ANNEAU d’OR : 50 pages sur la vie et la théorie du mariage qui paraîtront tous les deux mois. En plus de la revue, il organise des journées d’adoration mensuelle avec la présence’ d’une demi-heure par foyer. Un pèlerinage à LONGPONT rassemble tous ces couples dans une marche fraternelle. Puis naît la Lettre des Équipes Notre-Dame. Peu à peu le mouvement se structure. Il y a des responsables par équipe et des responsables de liaison entre les équipes. Ensuite, il y a des équipes régionales, puis l’équipe nationale. Enfin d’autres équipes nationales naissent. Mais le Père CAFFAREL tient à ce qu’elles restent unies : ce n’est pas une fédération, c’est un seul mouvement.

Parlons maintenant du célèbre DEVOIR DE S’ASSEOIR, le chef d’œuvre du mouvement… Chaque couple doit se retrouver sous le regard de Dieu, pendant deux ou trois heures. Chacun écoute l’autre. Les non-dits, les reproches, les détails agaçants, les blocages, tout doit être peu à peu mis au grand jour et purifié… Une prière spontanée clôture l’échange… Est-ce impossible ? La pratique montrera que des milliers de foyers ont emprunté ce chemin exigeant mais combien efficace dans ses résultats.

Le mouvement doit conduire les foyers vers la perfection, pas moins ! Cet idéal sera authentifié par le Concile Vatican II lorsqu’il parlera de l’appel universel à la sainteté. CAFFAREL se réjouit de la reconnaissance du rôle des laïcs, et parmi eux, des gens mariés.

En 1968, l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI provoque scandale et remous, y compris chez les catholiques. Le Père CAFFAREL écrit au pape son accord total : « Ne vous découragez pas »… Pour lui, la vérité des relations conjugales suppose une maturité affective. En fait, la crise soulevée par l’encyclique met en lumière un manque d’ascèse. Il faut purifier le cœur. Pour soutenir la position du pape, le Père CAFFAREL lui envoie le résultat d’une enquête réalisée par 2 000 foyers. On peut ajouter enfin que le mouvement des END a suscité la création des Centres de Préparation au Mariage.

Avec les années, le mouvement des END est devenu mondial. Deux rassemblements internationaux se tiennent à ROME et à LOURDES : « Quels lendemains ne pourrait-on pas espérer pour l’Église si ce lumineux message du Christ sur le mariage parvenait aux quatre coins du monde ! » dit Henri CARRAREL à ROME en mai 1959. Et il se rend lui-même au Brésil pour encourager le mouvement dans ce pays qui, après la France et la Belgique, contient le plus d e groupes.

A ce moment, le Père comprend que sa tâche de pionnier est accomplie, sa présence n’est plus indispensable. Avec sagesse, il se retire des END en 1973.

II. TROUSSURES

Mais le point qui tenait à cœur au fondateur n’avait pas encore été vraiment approfondi : il fallait creuser la question de l’oraison. Dire « Faites oraison » supposait qu’on explique la manière de la pratiquer. « On ne nous a jamais dit comment faire », disaient les foyers. La réponse viendra du Père, d’abord avec les Cahiers sur l’oraison qui paraîtront tous les deux mois.

Le Père CAFFAREL n’avait pas osé proposer l’oraison quotidienne à tous les membres des E.N.D., mais seulement aux responsables. Pour comprendre cette timidité, il faut se rappeler qu’à l’époque, pour la majorité des catholiques, l’oraison semblait être un exercice réservé aux prêtres et aux religieux. Que de chemin parcouru en un demi-siècle ! Et cela on le doit en partie au Père CAFFAREL. Par la suite, il a beaucoup regretté son manque d’audace. Sans oraison, l’âme reste « séquestrée », comme dit Claudel. Il faut la libérer. Cela se fera surtout grâce à la Maison de prière de TROUSSURES où se passera la seconde moitié de sa mission. Ce sera un « ashram aux portes de PARIS ».

Dans ce grand manoir hérité du Père DONCOEUR, de 1960 à 1995, des Semaines de Prière vont se succéder à raison d’une par mois, avec trente personnes, prêtres, religieux, religieuses et laïcs Ils approfondiront l’oraison au plan théorique et pratique.

Le matin il y aura des conférences données par le Père. Les enseignements porteront sur la présence de Dieu dans l’âme Dieu sortait de la clandestinité. L’oraison apparaissait comme une « nécessité vitale ». On découvrait que par l’oraison, la vie chrétienne et les sacrements eux-mêmes prenaient un tout autre sens. « L’Eucharistie dans l’âme qui ne prie pas, est semence en terre non labourée ».

L’après-midi il y avait des exercices pratiques, en particulier sur la place du corps dans la prière. Le programme de la semaine, très étudié, était varié et ne suscitait aucun ennui. Il comportait une nuit d’adoration où les volontaires se succédaient, heure par heure, une journée de désert/jeûne où chacun partait avec seulement l’eau et le pain, trois heures d’oraison accompagnée, etc…

Pour permettre d’approfondir la pratique de l’oraison, des cours par correspondance, répartis sur deux années, toucheront au loin deux mille personnes qui, au départ, s’engageaient à faire oraison.

Entraîné par ces années d’éducation à la prière, le Père CAFFAREL se jette à l’eau. Voilà qu’il décide d’animer cinq soirées sur l’oraison, à PARIS. La salle de la Mutualité accueille 1 500 personnes. Dans un silence impressionnant, cette foule est capable de faire oraison pendant un quart d’heure… Le contenu de ces enseignements paraît aux éditions du Feu Nouveau sous le titre de « Cinq soirées sur la prière intérieure ».

A TROUSSURES, que le Père n’hésite pas à appeler « Centre International d’Oraison », il accueillera le converti André FROSSARD.

Parmi les initiatives du Père, citons également le mouvement des veuves de guerre ainsi que le groupe des Veilleurs. Pour les groupes charismatiques, il avait créé une revue : la « Chambre Haute ».

Par contre, ne fut jamais réalisé le rêve d’un institut dont la formation se serait étalée sur deux années. Il aurait été destiné à ceux qui auraient voulu approfondir eux-mêmes l’oraison et ensuite l’enseigner aux autres.

Le Seigneur s’est contenté d’en susciter le désir dans le cœur du Père. Mais il prévoyait la suite sous une autre forme qu’Henri CAFFAREL n’avait pas pu imaginer et que nous voyons se réaliser : l’association des écoles d’oraison francophones.


III. LES ECOLES D’ORAISON

A chaque semaine de prière, le Père CAFFAREL répétait : « Faites des écoles d’oraison dans les villes ». Et il précisait : une école, c’est sept soirées… Y croyait-il vraiment ? On pourrait se le demander. Comment ces écoles auraient-elles pu fonctionner et durer sans une aide efficace venant de TROUSSURES ? Le Père ne suivait pas les quelques écoles qui étaient nées spontanément, sauf NICE dont il se faisait envoyer les enseignements. Et si quelqu’un, suite à ses appels, projetait de faire quelque chose chez lui, et demandait les coordonnées de personnes de sa région venues à TROUSSURES, on lui répondait : « On ne donne pas d’adresses ». Autrement dit, chacun devait chercher sur place…

Cependant, à partir de 1978, le père donnait des sessions d’approfondissement à des volontaires qui venaient se ressourcer. C’est ainsi qu’une dizaine d’écoles ont fonctionné pendant quinze ou vingt ans ; puis toutes, sauf celles de RENNES et de POITIERS, ont disparu les unes après les autres : en général, il n’y avait pas de véritables équipes. Chaque école reposait sur une ou deux personnes. Il manquait une structure, une pédagogie et le soutien d’un bureau de coordination.

Pourtant, des rencontres entre les équipes de ces écoles avaient lieu tous les deux ans : 1978, 1980, 1982, 1984, 1986, 1988 (LOISY, ERMENONVILLE, LE HAVRE), 1990 (VITRE), 1992 (ORSAY), 1994 (AVON), 1996 (BEC HELLOIN), et, après le départ du Père CAFFAREL, 1998 (TIMADEUC), etc…

Pendant ce temps, les activités de TROUSSURES cessaient peu à peu : Cahiers sur l’Oraison, Cours par correspondance (édition du Feu Nouveau), Semaines de Prière…

Finalement, le Père CAFFAREL envisage la fermeture du centre : la maison sera confiée aux Frères de Saint Jean. Il demande à ses collaboratrices de tout détruire après sa mort : archives, adresses… L’œuvre de la Maison de Prière devait disparaître de façon qu’on ne puisse pas dire : « ) TROUSSURES, on faisait comme ceci ». Les personnes qui entouraient le Père ont exécuté fidèlement les consignes. Et dans la suite, elles ont refusé de reconnaître les écoles d’oraison comme venant du Père CAFFAREL…

Il est vrai que si l’esprit et les thèmes d’enseignement sont bien issus de ceux du Père, un élément nouveau était apparu : la notion de travail en commun. Si la prière de chacun et la réflexion personnelle des membres de l’équipe sont essentielles, la mise en commun et la charité ne sont pas moins nécessaires. Il faut les deux.

Le Père CAFFAREL avait une puissante personnalité, un charisme évident. Mais avait-il confiance dans l’autre ? Croyait-il à une réflexion à plusieurs ? En dehors de ses intuitions, pouvait-il y avoir quelque chose de bon ? On peut se poser la question. Il avait su se retirer des END au moment voulu. A-t-il compris que ce qui germait en dehors de TROUSSURES était aussi dans la ligne de ce qu’il avait enseigné ? Nous n’avons pas à porter de jugement. Nous pouvons simplement constater qu’il existe aujourd’hui une association comprenant une trentaine écoles d’oraison, avec un bureau de coordination et des rencontres tous les deux ans. Chaque école fait ses exposés comme elle l’entend. Il faut faire confiance à l’Esprit Saint.

En ce qui me concerne, après une Semaine de Prière à TROUSSURES en 1977, j’étais revenu du Tchad, bien décidé à mettre en pratique les consignes reçues : « Faites des écoles d’oraison ». Je ne savais pas comment commencer, mais la Providence avait tout prévu : un missionnaire Père Blanc belge, Dominique NOTHOMB, venait d’arriver du Rwanda où il avait passé vingt années, prêchant de nombreuses retraites. C’était un biblique et un grand spirituel. Aussitôt il est d’accord pour participer à une école d’oraison. Nous avons fonctionné ensemble pendant quatre ans. A la suite de cette expérience, il a rédigé un libre décrivant en détail l’école d’oraison telle qu’il la concevait (« Oui, Père » éditions Bayard). Je lui dois beaucoup.

Maintenant, pour comprendre ce qui s’est passé en France, retournons un peu en arrière.

Voyant que le Père CAFFAREL vieillissait sans qu’il y ait de relève, j’étais de plus en plus inquiet. En 1989, j’écris à TROUSSURES, disant que je souhaitais une rencontre et j’annonce ma visite. Malheureusement, je n’ai pas pu voir le Père. On me dit qu’il était fatigué… Je suis reparti déçu. Les années passent… en 1996, la nouvelle tombe, le Père CAFFAREL est retourné à Dieu.

Ensuite, grand silence.

Je suis scandalisé. Je ne comprends pas ce que l’estime être une démission collective : comment est-il possible que, parmi les 25 000 anciens retraitants de TROUSSURES, aucun ne se soit levé pour dire : « Il faut continuer ». Cela, je ne pouvais pas l’admettre. Mes seize années comme Fidei Donum au Tchad m’avaient fait découvrir la mission universelle. J’avais acquis une certaine indépendance et l’audace d’entreprendre de grandes choses. J’avais écrit plusieurs brochures tirées à des milliers d’exemplaires répandus dans plusieurs pays d’Afrique, etc…

A mon retour d’Afrique, j’ai été chargé du service de coopération missionnaire au plan diocésain, puis régional. En même temps, j’envoyais en Afrique différentes brochures, en particulier une collection appelée Parole et Partage lancée auparavant avec un Père Blanc, Jean CAUVIN ;

Puis j’ai rédigé un recueil de fiches intitulé Prier Aujourd’hui. J’envoie ces fiches en France et en Afrique. Plus tard, elles donneront naissance au livre Découvrir la prière intérieure, publié par les éditions Salvator.

Pendant ce temps, les rencontres des écoles d’oraison, initiées au temps du Père CAFFAREL, continuaient tous les deux ans : 1996 au Bec Hellouin, 1998 à Timadeuc, 2000 à Beaufort (Ille et Vilaine), 2002 à Massabielle…

Bref, en 1999, je me suis demandé si, à partir d’adresses que me fourniraient les équipes Notre-Dame, on ne pouvait pas créer des écoles d’oraison. Je contacte l’équipe de PARIS qui me donne aimablement les quelques adresses dont j’avais besoin.

Cela fait, avec beaucoup d’hésitation, je téléphone au responsable END de la ville la plus proche, c’est-à-dire NANTES, M. Luc CHELAS : « Est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir une école d’oraison à NANTES ? ». Sa réponse positive « Pourquoi pas ? » a été décisive pour moi : dans ce cas, il faut foncer. Avec des membres de l’école d’oraison de RENNES, nous nous déplaçons (19 juin 1999) à NANTES, puis trois autres fois, et ça marche. Puis nous recommençons la même opération à ANGERS. Là aussi ça réussit.

Après un temps d’arrêt, je me rends trois fois à TOULOUSE, mais cette fois seul. Puis c’est BORDEAUX (2 fois), NICE, LYON (2), PARIS (2), Massabielle, LILLE (3), etc… Pendant trois années je visite trente villes, avec en moyenne un résultat positif sur trois ou quatre visites : MONTPELLIER (2), MARSEILLE (2), TOULON/BRIGNOLES (2), AVIGNON (2), GRENOBLE, MOULINS, CLERMONT-FERRAND, CHAMBER (2), CHALONS EN CHAMPAGNE, TROYES, STRASBOURG (2), BRUXELLES (3), NAMUR (2), TOURNAI, ARRAS, TROUSSURES, VERSAILLES, VIROFLAY, LE HAVRE, LE MANS (2), SAINT LO, ST BRIEUC, BREST (2), VANNES (2)…

Je rends grâce à la mémoire de mes deux archevêques de RENNES, le cardinal GOUYON, puis Monseigneur Jacques JULLIEN, qui m’ont autorisé à m’investir sur ce vaste chantier des écoles d’oraison, en France et en Belgique. Un de mes confrères qui animait beaucoup d’écoles autour de RENNES, ne comprend pas que j’aille ainsi visiter d’autres diocèses : « Je t’admire mais je ne suis pas d’accord »… Pour lui, un travail apostolique de ce genre aurait nécessité un mandat (mais qui aurait pu donner ce mandat?) Personnellement, un tel raisonnement ne m’a jamais beaucoup touché. Est-ce qu’il faut une permission épiscopale pour apprendre l’oraison à ceux qui désirent la pratiquer ? La prière n’a pas de frontière. Pour moi, mission et prière forment un tout. Ce travail hors de mon diocèse n’était que la mise en pratique de la devise audacieuse du Père CAFFAREL : TROUSSURES, centre international d’oraison. Les intuitions du Père devaient être diffusées et mise en pratique. Si la pastorale des foyers avait acquis une dimension internationale, pourquoi l’éducation à l’oraison n’aurait-elle pas bénéficié de la même ouverture ?

En regardant ce que sont aujourd’hui les écoles d’oraison francophones, je voudrais souligner le rôle important qu’a joué le secrétariat des END de PARIS dans le développement des écoles : en plus des adresses fournies, très utiles dans la recherche du début, notons d’abord les nombreuses réunions de bureau qui ont eu lieu au 49 de la rue de la Glacière ;le supplément au bulletin des END : pendant plusieurs années, nous ajoutions une feuille trimestrielle, « Chemins d’oraison », enfin et surtout le site oraison.net.

Cependant, pour conclure, nous devons reconnaître que le démarrage des écoles d’oraison en France, Belgique et Suisse n’est pas dû au hasard, même si le charisme du Père CAFFAREL a joué un rôle important, en précisant ce que peut être l’oraison des laïcs. En réalité, c’est une vague de fond qui s’est développée à la fin du siècle dernier grâce à un foisonnement de courants spirituels. Dans sa lettre Millenio Adveniente, Jean-Paul II avait demandé que les paroisses deviennent des écoles d’oraison. C’est ce qui se passe un peu aujourd’hui.

Sans prétendre tout nommer – c’est impossible – citons d’abord les fraternités carmélitaines, puis Notre-Dame de Vie, les retraites des Foyers de Charité, le Renouveau charismatique, l’Emmanuel, l’adoration perpétuelle dans les paroisses, etc… La pratique de l’oraison par les laïcs est un signe des temps, grâce au Père CAFFAREL, mais pas uniquement. Ce qui se développe sous nos yeux devait arriver d’une manière ou d’une autre. Espérons que ce n’est qu’un dé ut… Gloire à Toi Seigneur !

IV. ORAISON ET CONTEMPLATION

L’oraison n’est pas le moment d’exposer nos misères ou de demander des faveurs pour nous, pour les autres, pour les besoins du monde, etc.. On peut, on doit le faire, mais dans un second temps.

L’oraison doit être centrée sur Dieu. Elle est essentiellement un moment gratuit, celui de l’adoration et de l’amour : « Tu aimerais le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Deut 6) C’est le premier commandement. Il faut croire à la présence de Dieu, l’adorer, le consoler. « Dieu premier servi » (Jeanne d’Arc).

Cette orientation vers Dieu seul, le Père CAFFAREL l’a traduite en particulier par un de ses livres : Dieu, ce nom le plus trahi. On pourrait dire aujourd’hui, avec la montée de l’athéisme, Dieu, le plus oublié.

L’oraison n’est pas non plus le temps d’étudier la Parole de Dieu ou de lire des livres spirituels. C’est à faire, mais à un autre moment.

L’école de TROUSSURES doit être considérée non pas comme un achèvement mais comme un point de départ. Elle s’adressait à des hommes et des femmes qui désiraient s’initier à la prière intérieure. On leur offrait des pistes permettant d’animer spirituellement leur vie. On leur expliquait d’abord comment donner du temps à Dieu.

On mettait à leur disposition l’outil le plus classique qui s’appelle l’oraison, jusqu’ici considérée habituellement comme réservée aux personnes consacrées. Le génie du Père CAFFAREL a consisté à utiliser au maximum des moyens classiques, de manière à permettre en un minimum de temps – soit six journées – une expérience suffisante pur découvrir quelque chose d’une vie spirituelle authentique. Par là, il voulait donner de la profondeur à tout ce qui fait la vie des chrétiens ordinaires, mariés ou non. Il s’adressait également aux prêtres, aux religieux et religieuses. A tous, il proposait un unique chemin.

Pour cela, il utilisait une pédagogie simple mais rigoureuse : le silence absolu – pour éviter tout bruit, on n’entrait dans la chapelle que tous les quarts d’heure –, l’oraison longue : au retour, il conseillait aux laïcs de prendre une demi-heure, aux religieux une heure, aux prêtres, deux heures… Sans oraison, les sacrements eux-mêmes ne produisent que peu d’effet. Enfin le jeûne : une soirée sans repas, occupée par différents exercices, et une journée de désert où chacun emportait du pain et de l’eau… Pas de sermons, à la manière de Jésus disant seulement à ses premiers disciples : Venez et voyez.

Même chose pour les enseignements. Comme Jésus adressant aux foules des discours que tout le monde pouvait comprendre, le Père CAFFAREL, parlant à des débutants, leur a donné les bases de l’oraison mais s’est bien gardé d’aller plus loin. Il savait que la montée vers Dieu n’a pas de limite, mais également qu’il faut tenir compte de la capacité de ceux qui débutent. Saint Paul disait à ses Corinthiens : « C’est du lait que je vous ai donné à boire » (1 Cor 3,2). L’oraison active des commençants n’est qu’une étape. Courage, nous sommes tous appelés à progresser vers la sainteté…

Le Père CAFFAREL était un mystique. Ceux qui l’ont approché ont pu soupçonner la profondeur de son oraison par ses réflexions mais surtout par son attitude devant le Saint Sacrement, sa prière prolongée, ses trois mois de désert avant d’entreprendre une nouvelle phase de son apostolat. Il s’inspirait peut-être du Château de l’âme de Sainte Thérèse d’Avila mais s’est bien gardé de le citer. Il voulait seulement indiquer la direction. Il tenait cachée la partie secrète de son âme et ne voulait pas effrayer les chrétiens ordinaires auxquels il s’adressait.

Cependant, déjà les cours par correspondance constituaient un approfondissement pur ceux qui désiraient progresser. D’une façon inattendue, ils ont été pour le Père l’occasion d’entrer en rapport avec une mystique authentique, belge, Camille, mariée, parvenue jusqu’au mystère trinitaire après dix-neuf années de nuit profonde. La lecture du livre qui rapporte ces échanges montre à quels sommets pouvait mener la fréquentation du Maître.

La montée vers Dieu n’a pas de limite. Au 12e siècle, Guigue le Chartreux distinguait déjà quatre étapes pour aller, disait-il, jusqu’au ciel : la lecture, la méditation, l’oraison et la contemplation… (L’échelle des moines – Parole et Silence). Plus tard, Thérèse d’Avila décrivait les 7 demeures se terminant par le mariage spirituel…

Le charisme du Père CAFFAREL a été seulement d’introduire ses auditeurs au seuil de la contemplation. Après, d’autres prendraient le relais. Aujourd’hui, des sessions d’approfondissement permettant d’entrevoir ce que peut être la contemplation, ont lieu en particulier à TOULOUSE et en Suisse.

Le Père CAFFAREL a ouvert une porte. En ce qui me concerne, il m’a permis d’avancer. Et concrètement, j’ai pu continuer ma recherche grâce à deux grands spirituels peu connus.

L’un, le Père de CLORIVIERE, S.J. Qui a publié en 1803 un manuel à la portée de tous mais résumant bien la progression dont parle Thérèse d’Avila. J’ai lu et relu « Prière et Oraison » et je l’ai réécrit en français d’aujourd’hui.

L’autre, le Frère Jean de SAINT-SAMSON, qui vivait à RENNES, a contribué à la réforme des Grands Carmes. Pour lui, disciple des mystiques rhénans, il n’y a pas à chercher autre chose que l’absolu de Dieu. Aujourd’hui sont publiés de lui l’Épithalame (Seuil) et l’Amour essentiel (Cerf).

J’ai beaucoup travaillé ces deux mystiques et grâce à eux, j’ai découvert que la contemplation était faite pour tous et que, près de nous, il pouvait y avoir des mystiques qui s’ignorent. Aux Hébreux, Yahvé disait : « Soyez saints parce que je suis Saint. » Quant à Jésus, il n’a pas dit : Faites oraison, ça suffit. Il a dit à tous ceux qui voulaient l’entendre, donc aux foules : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Nous sommes faits pour voir Dieu et lui ressembler.

Le Père CAFFAREL vivait personnellement l’oraison passive mais il n’a pas eu le temps d’en parler. Peut-être que ce n’était pas son charisme. Il a dit : « Je semble être un homme d’action mais en fait je suis un contemplatif. »

TROUSSURES est l’école primaire de l’oraison. Il faut en être conscient. Quant aux moyens d’une formation plus poussée, c’est à nous de les chercher.

Dieu intervient sans cesse dans l’histoire des hommes. La mission du Père CAFFAREL a été un événement suscité par l’Esprit pour notre époque. A nous de mettre en oeuvre son charisme et d’en faire grandir tous les fruits.

Père Yves Jausions (17 décembre 2013)

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